À Cahors, la Sainte Coiffe suscite l’union sacrée
Reportage
Dans le cadre des festivités du 900e anniversaire de la cathédrale de Cahors, la relique de la Sainte Coiffe a été portée en procession dans les rues de la ville, samedi 27 avril.
Une première depuis 1940, qui a été rendue possible par une mobilisation commune du diocèse, de l’État, de la ville et de la société civile.
Arnaud Bevilacqua,
le 28/04/2019 à 15:19
Arrivée sous bonne escorte, dans un fourgon de police, la Sainte Coiffe a échappé de peu à la pluie. Sous un ciel redevenu clément, environ 2 000 fidèles se sont rassemblés devant l’église Saint-Barthélemy de Cahors pour la première procession de cette relique de la Passion depuis près de 80 ans. Cet événement, samedi 27 avril, était l’un des grands rendez-vous des festivités du 900e anniversaire de la cathédrale de Cahors.
Près de 2000 pour la procession
Très mobilisés depuis quelques mois – une centaine de bénévoles engagés –, les catholiques cadurciens ont marché dans les ruelles de la cité médiévale sous les regards de nombreux badauds, partagés entre curiosité amicale ou franche incrédulité. Certains commerçants avaient eux affiché le tract de l’événement sur leur vitrine. « Je ne suis pas croyante mais je suis attachée à ce trésor de notre ville qu’est la Sainte Coiffe, un héritage historique », témoigne par exemple Mireille.
Cahors célèbre la Sainte Coiffe
« Cette relique est un moyen d’approfondir sa foi, elle symbolise la résurrection de JESUS, appuie Jeanne Dumont, coordinatrice des événements spirituels du 900e anniversaire de la cathédrale. Face à elle, nous sommes comme les apôtres face au tombeau vide. Elle nous permet aussi de témoigner publiquement et d’aller à la rencontre de tous. »
Piété populaire
Une manifestation de piété populaire qui étonnerait presque Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors, qui a remis la Sainte Coiffe à l’honneur. « Cela touche le cœur de gens que nous ne parvenons pas à intéresser avec d’autres propositions trop cérébrales, admet-il. Ils vivent une proximité avec quelque chose qu’ils peuvent voir, presque toucher. Notre rôle est d’accompagner cette démarche. »
Sur cette terre marquée, comme ailleurs, par la déchristianisation, cette procession a été rendue possible par une étroite collaboration entre le diocèse, l’État, la mairie et la société civile. Pour le 900e anniversaire de la cathédrale, célébré du 12 mars au 8 décembre, une association a vu le jour pour permettre de larges festivités au-delà de la seule Église et marquer l’histoire de la ville.
Développer le tourisme spirituel
« Le Lot étant plutôt anticlérical, je suis étonnée de constater cet élan très fort autour de ce projet, souligne une bonne connaisseuse de la situation locale. Les différents acteurs apportent tous leur pierre et témoignent d’un vrai attachement au patrimoine. La cathédrale et ses trésors font partie de l’identité de Cahors au même titre que le pont Valentré. »
L’État, via la direction régionale des affaires culturelles (Drac) d’Occitanie, qui désirait valoriser la Sainte Coiffe, a été moteur comme la mairie de Cahors. « Pour des territoires ruraux comme les nôtres, ce type de projet autour de monuments historiques, c’est fondamental, explique Michel Simon, premier adjoint de la cité médiévale. Mais ici, plus qu’ailleurs, dans une ville de 20 000 habitants, il faut fédérer, sinon ça ne marche pas. »
Cahors, un diocèse marqué par les chemins de Compostelle
L’incendie de Notre-Dame de Paris a rappelé à tous la fragilité de ce patrimoine multiséculaire. À travers la promotion de la cathédrale et de sa Sainte Coiffe, l’objectif commun est bien « de faire rayonner Cahors et de développer le tourisme spirituel pour s’inscrire entre Rocamadour et Lourdes » comme l’affirme Sylvain Ginier, coordinateur général du 900e.
La sainte coiffe visible depuis les Rameaux
Ces festivités ont toutefois été secouées par la mise à l’écart de celui qui était à l’origine de cet élan, l’abbé Ronan de Gouvello, recteur de la cathédrale. Le 3 mars, l’évêque de Cahors a annoncé lui avoir demandé de « se retirer » à la suite « d’accusations sérieuses de manquements à ses engagements sacerdotaux ». « Nous nous sommes demandé s’il fallait continuer », reconnaît Jean-François Masurier, l’un des responsables des bénévoles engagés pour le 900e, toujours marqué le choc. Un trouble qui a dépassé les seuls paroissiens.
L’essor du sanctuaire Saint-Denys d’Argenteuil
Mais l’engouement autour de la Sainte Coiffe ne s’est pas démenti. À l’image de la Sainte Tunique d’Argenteuil, Cahors espère le même essor. L’ostension de la relique a débuté le dimanche des Rameaux dans la cathédrale et une nouvelle procession est d’ores et déjà en projet.
La Sainte Coiffe, une relique de la PassionLa Sainte Coiffe est vénérée comme l’un des linges mortuaires qui aurait entouré la tête du Christ au moment d’être mis au tombeau. Il en est fait mention dans l’Évangile selon saint Jean (20, 6-7).
Si son authenticité est discutée, sa présence à Cahors en provenance de Terre Sainte semble avérée au moins à partir du XIIIe siècle. À travers l’histoire, elle est portée en procession lors des heures sombres comme lors des épidémies de peste en 1482 ou 1652.
La dernière procession dans les rues de Cahors remonte à 1940. Jusque dans les années 1960, elle était vénérée par les fidèles à chaque Pentecôte avant de tomber peu à peu dans un relatif oubli.