Evangile
Lc 13, 10-17
Jésus était en train d'enseigner dans une synagogue, le jour du sabbat. Il y avait là une femme, possédée par un esprit mauvais qui la rendait infirme depuis dix-huit ans ; elle était toute courbée et absolument incapable de se redresser. Quand Jésus la vit, il l'interpella : « Femme, te voilà délivrée de ton infirmité. » Puis, il lui imposa les mains ; à l'instant même elle se trouva toute droite, et elle rendait gloire à Dieu.
Le chef de la synagogue fut indigné de voir Jésus faire une guérison le jour du sabbat. Il prit la parole pour dire à la foule : « Il y a six jours pour travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat. » Le Seigneur lui répliqua : « Esprits faux que vous êtes ! N'est-il pas vrai que le jour du sabbat chacun de vous détache de la mangeoire son boeuf ou son âne pour le mener boire ? Et cette femme, une fille d'Abraham, que Satan avait liée il y a dix-huit ans, n'est-il pas vrai que le jour du sabbat il fallait la délivrer de ce lien ? »
Ces paroles de Jésus couvraient de honte tous ses adversaires, et toute la foule était dans la joie à cause de toutes les actions éclatantes qu'il faisait.
HOMELIE
Le nombre « dix-huit » est mentionné par deux fois, au début et à la fin de la péricope, à chaque fois pour préciser que la femme est liée depuis « dix-huit ans » - c’est-à-dire trois fois « six » ans (666 !). Entre ces deux occurrences, le chef de la synagogue reproche à la foule de venir se faire guérir le jour du sabbat plutôt qu’un des « six » jours réservés au travail. Or le jour du sabbat est le septième jour, celui du repos de Dieu, et plus encore celui du repos de la création tout entière en Dieu. En clair : l’esprit mauvais qui a lié la femme à la terre depuis trois fois six ans, l’empêche d’atteindre le septième jour. Tel est le triste état de notre pauvre humanité, qui a perdu le sens de son existence depuis qu’elle s’est coupée de Dieu par son péché. Nous avons beau multiplier nos efforts au niveau des trois dimensions de notre être - spirituelle, psychique ou physique - ou tout au long des trois âges de notre vie, nous demeurons prisonniers de l’incomplétude (« six ») ; nous ne parvenons pas à atteindre notre finalité en Dieu (« sept »).
C’est sur l’horizon de cet échec, que surgit Notre-Seigneur en guerrier vainqueur. Sans même s’adresser à l’esprit mauvais, et sans que la femme ne le lui demande, Jésus prend l’initiative de la délivrer, lui donnant de pouvoir à nouveau lever le regard vers les hauteurs, elle qui ne pouvait fixer que la terre vers laquelle elle était courbée. Le terme « femme » - qui dans le quatrième Evangile désigne l’humanité réconciliée par le Sang de l’Agneau (cf. Jn 19, 26) - donne à l’intervention de Notre-Seigneur un caractère particulièrement solennel, qui suggère une anticipation de la participation universelle à la victoire pascale. Ce faisant, il la rétablit dans sa dignité filiale, il la restaure à « l’image de Dieu », selon l’interprétation courante de Gn 1, 27, qui se traduit littéralement : « Dieu créa l’homme debout, en position droite », c’est-à-dire la position dans laquelle la femme se trouve restaurée grâce à l’intervention de Jésus. Après avoir « délié la femme des liens auxquels Satan l’avait assujettie », Jésus, lui imposant les mains, lui communique l’Esprit. Si la Loi permet de « détacher le jour du sabbat son bœuf ou son âne de la mangeoire pour le mener à boire », d’autant plus fallait-il conduire cette fille d’Abraham aux sources vives de l’Esprit, afin qu’elle y étanche sa soif de vie divine ! Pleine de « joie » et de reconnaissance, « elle rendait gloire à Dieu » pour « toutes les actions éclatantes qu’il faisait ».
Père Joseph-Marie