Comprendre les expressions bibliques
Les figures de langage posent un problème particulier à la traduction.
Certaines images bibliques sont facilement traduisible telles quelles. Le français, comme l’hébreu, parle du « cœur » pour désigner le centre des émotions et des sentiments ; mais l’hébreu utilise d’autres organes de notre corps pour le même usage : les entrailles, le foie, les reins-ce que ne fait pas le français. Si l’on traduit ces expressions littéralement, on obtient des figures de langage incongrues.
L’hendiadys exprime une seule idée à l’aide de deux mots joints par et. En français, une telle expression évoque deux idées distinctes. Dire que « l’Eternel fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu » (#Ge 19.24) fait penser qu’il y a fait tomber du soufre et du feu, alors qu’en réalité c’est « une pluie de soufre enflammé par un feu qui venait du ciel, de l’Eternel » qu’il a répandu sur ces villes. Les auteurs du Nouveau Testament ont souvent utilisé cette figure de langage qui, traduite littéralement, oriente vers une fausse compréhension. Paul n’a pas reçu de Dieu « la grâce et l’apostolat » (#Ro 1.5) mais « la grâce d’être apôtre », l’Eglise n’est pas édifiée « sur le fondement des apôtres et des prophètes » (#Eph 2.20) comme s’il s’agissait de deux fondements distincts (alors que Paul dit ailleurs que « nul ne peut poser un autre fondement que celui qui est déjà en place, c’est-à-dire JESUS-Christ »), (#1Co 3.11), mais sur « le fondement posé par les apôtres, ses porte-parole (ses "prophètes") ».
Beaucoup d’exégètes soupçonnent aussi #1Ti 2.12 d’être un hendiadys, c’est-à-dire qu’il ne faudrait pas traduire : « Je ne permets pas à la femme d’enseigner ni de prendre autorité sur l’homme », mais : « en prenant autorité sur l’homme » (et même, si l’on voulait tenir compte des connotations du mot rare authentein employé ici, il faudrait traduire : « en prenant une autorité dominatrice sur l’homme » ; voir A. K. : La femme dans l’Eglise pp. 167-170).
Les euphémismes sont des expressions utilisées pour adoucir une autre dont le sens serait trop saint, trop cru ou trop choquant. Chaque culture a ses euphémismes pour éviter de parler de certaines réalités de la vie. La traduction littérale de ces euphémismes n’aide pas toujours l’étranger. Je me souviens d’un congrès en Amérique où, écrasé de fatigue, je cherchais un endroit pour me reposer. Je découvris avec plaisir un panneau indiquant restrooms (litt. : chambres de repos) — pour m’apercevoir qu’il s’agissait de ce que, par un autre euphémisme, nous appelons « toilettes ». La Bible emploie des euphémismes pour désigner Dieu, dont il ne fallait pas prononcer le nom (le Saint, le Béni, le Tout-Puissant) ou bien on parlait du ciel (« J’ai péché contre le ciel et contre toi » #Lu 15.18).
Tout ce qui se rapporte à la mort ou à la sexualité est généralement exprimé par un euphémisme : « JESUS rendit l’esprit » (#Mt 27.50), « Etienne, après avoir dit cela, s’endormit » (#Ac 7.60). « Se coucher avec ses pères » était l’un des euphémismes utilisés pour parler de la mort, avec une nuance contenue dans l’expression que nous avons utilisée pour la traduire : « rejoindre ses ancêtres décédés ». Pour la relation sexuelle, elle parle de connaître sa femme (#Ge 4.1; Mt 1.24-25), ou de « toucher une femme » (#1Co 7.1), de découvrir sa nudité (#Lé 18.6-19) ; pour les règles : « ce qu’ont les femmes » (#Ge 18.11) ou « ce qui est ordinaire aux femmes » (#Ge 31.35). Satisfaire un besoin naturel (euphémisme français) se disait « se couvrir les pieds » (#1S 24.4).
Pour traduire les euphémismes, il faut être très attentif à la sensibilité de la langue destinataire. Très souvent, elle emploie aussi des euphémismes pour les mêmes réalités, mais ils sont différents. Il s’agit de trouver ceux qui conviennent sans choquer inutilement, mais aussi sans orienter sur une fausse piste.