http://oumma.com/La-polygamie-dans-son-contexte
Depuis des siècles, le Coran est interprété presque exclusivement par des chercheurs hommes. Quelles que soient leur science et leurs bonnes intentions, ils l’ont interprété à travers le prisme de leur époque, de leur culture, de leurs présupposés.A notre époque, de nombreux spécialistes, comme Engineer, concluent plus heureusement, que "la polygamie était circonstancielle et que la monogamie est la norme" de notre époque.
Au cours des siècles, les érudits et les hommes musulmans ont accepté la polygamie, c’est-à-dire la pratique qui consiste à avoir plusieurs épouses, mais la nature de la permission coranique et le contexte ne sont plus les mêmes. Dans le Coran, la polygamie n’est jamais évoquée par rapport aux droits du mari, mais bien par rapport aux besoins des femmes et des enfants à cette époque.
De fait, elle est mentionnée dans les versets 3, 127 et 129 de la quatrième sourate, intitulée précisément an-Nisaa, c’est-à-dire "les femmes". Une bonne partie de cette sourate fut révélée la quatrième année de la fuite de la communauté musulmane naissante de La Mecque à Médine, aux alentours de 627 EC. Elle marque le début du calendrier musulman. Elle développe le chapitre précédent, qui narre la bataille d’Ohod qui opposa les premiers musulmans aux habitants de La Mecque, faisant de nombreux morts parmi les musulmans et laissant de nombreuses veuves et orphelins.
Tel est le contexte dans lequel doit se recadrer toute discussion sur le sujet de la polygamie en islam, car cette permission n’a été accordée aux hommes que dans ces conditions bien particulières. La polygamie est permise au verset 4.3 parce que Dieu veut veiller au sort des femmes et des orphelins dont les maris et les pères avaient sacrifié leur vie au Prophète et à l’islam.
Ce verset traite de la compassion qu’il faut avoir envers les femmes et leurs enfants et non des hommes et de leur sexualité. Il s’agit d’un commandement adressé à la société patriarcale, lui enjoignant d’assurer leur protection et leur survie, ce qui se faisait le plus commodément à l’époque par la solution du mariage.
S’agissant des orphelins, Dieu suggère : " Et si vous craignez de n’être pas juste envers les orphelins,...Il est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de n’être pas juste avec celles-ci, alors une seule…." Cette solution visait à assurer une certaine protection aux femmes et enfants vulnérables dans une société patriarcale, du moment que toutes les épouses étaient traitées de façon juste et égale.
Mais au verset 129, Dieu estime que la possibilité d’un traitement juste et équitable est improbable : " Vous ne parviendrez jamais à traiter toutes vos femmes sur le même pied d’égalité, quel que soit le soin que vous y apportiez…"
Aussi invraisemblable que cela paraisse, le verset 129 est pratiquement ignoré, tandis que le 3 est invoqué par certains musulmans pour justifier la polygynie, comme si ce verset traitait des besoins sexuels de l’homme et non de la protection de la veuve et de l’orphelin.
Des érudits, comme Muhammad Abduh, imam égyptien du 19e siècle, ou Asghar Ali Engineer, chercheur indien contemporain spécialiste de l’islam, rejettent l’argument selon lequel le désir sexuel de l’homme doit être satisfait par plusieurs femmes, et même la théorie qui voudrait que l’homme et la femme n’ont pas le même droit à la satisfaction de leurs désirs sexuels.
Et pourtant, certains hommes prennent exemple sur les multiples femmes du Prophète pour justifier leur propre polygamie. Mais Muhammad (sas) a eu une seule épouse pendant 25 ans. Ce n’est qu’après sa mort qu’il conclut des mariages concomitants, ces unions étant pour la plupart des manœuvres politiques visant à cimenter ses relations avec les autres tribus.
Un hadith (dit du Prophète) puissant décrit la réaction de celui-ci lorsqu’il apprit que son cousin et gendre, Ali, marié à sa fille Fatima, envisageait de prendre une deuxième épouse. Furieux, il déclara publiquement que si Ali voulait une deuxième femme, il devrait d’abord divorcer de Fatima.
Depuis des siècles, le Coran est interprété presque exclusivement par des chercheurs hommes. Quelles que soient leur science et leurs bonnes intentions, ils l’ont interprété à travers le prisme de leur époque, de leur culture, de leurs présupposés.
A notre époque, de nombreux spécialistes, comme Engineer, concluent plus heureusement, que "la polygamie était circonstancielle et que la monogamie est la norme" de notre époque. Certains pays, comme la Tunisie, ont fondé leur législation sur cette lecture.
Si le message du Coran est éternel, le contexte a bien évidemment changé. Il existe des exemples de l’enseignement évolutif du Coran.
On sait par exemple que l’esclavage a longtemps existé dans les communautés musulmanes. Il est vrai que la plupart de ces esclaves étaient des prises de guerre, mais ils n’en étaient pas moins des esclaves. Le Coran prescrit un comportement bienveillant du maître envers l’esclave et incite à lui rendre sa liberté par charité, sans pour autant abolir l’esclavage. Pourtant, à notre époque, aucun musulman ne justifierait l’esclavage.
Les musulmans des deux sexes doivent bien comprendre le caractère conjoncturel de l’autorisation de la polygamie. Il ne s’agit pas d’un privilège de droit divin conféré aux hommes musulmans. A notre époque, cette pratique ne joue plus sa fonction garante et protectrice de la femme.