Certains mots grecs ont des sens différents suivant le contexte dans lequel ils se trouvent. Il ne serait donc pas juste de les traduire par le même mot français dans ces contextes. Tels sont, par exemple, les mots foi, sagesse, juger, bénir, sanctification, loi, chair. Prenons quelques exemples d’emplois de ces mots.
Les deux sens du mot juger ont embarrassé plus d’un chrétien. D’un côté, JESUS dit : « Ne jugez point, afin que vous ne soyez pas jugés » (#Mt 7.1), et de l’ autre, Paul écrit aux Corinthiens : « L’homme spirituel juge de tout et il n’est lui-même jugé par personne » (#1Co 2.15). Le traducteur qui n’a pas voulu interpréter en laisse tout le soin au lecteur désarçonné. Faut-il s’étonner de ce que plus d’un chercheur sincère ait mis la Bible de côté en disant qu’elle est « pleine de contradictions » ? Pourtant, il serait facile d’éviter ces obstacles en tenant compte des sens différents du mot grec sur la palette sémantique et de traduire comme le fait la BFC qui garde juger mais ajoute comme complément dans #Mt 7 : « les autres ». La BS traduit le premier passage ainsi : « Ne vous posez pas en juges d’autrui », ce qui a un sens très différent.
Sanctification : « Christ est devenu pour nous justification, sanctification et rédemption » (#1Co 1.30) est traduit dans la BS par : « en Christ se trouvent pour nous l’acquittement, la purification et la libération du péché. » Dans #2Th 2.13, le sens du mot est très différent : « Dieu vous a choisis par la sanctification de l’Esprit ». Ici le mot a son sens étymologique de « mis à part », consacré à Dieu. « L’action de l’Esprit vous a consacrés à Dieu » (cf. #1P 1.2).
Loi, chair : Au début de #Ro 8, Paul emploie plusieurs fois les mots loi et chair. Segond traduit ce passage ainsi : « 2 La loi de l’esprit de vie en JESUS-Christ m’a affranchi de la loi du péché et de la mort. 3 Car, chose impossible à la loi, parce que la chair la rendait sans force, Dieu a condamné le péché dans la chair, en envoyant son Fils dans une chair semblable à celle du péché, 4 et cela afin que la justice de la loi soit accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair, mais selon l’Esprit. »
Dans ces quelques versets, ces deux mots ont des sens très différents. La première fois que l’apôtre emploie le mot loi, c’est dans le sens d’une loi « physique », d’un principe qui régit le monde spirituel. Le mot loi convient. Dans les versets 3 et 4, la loi désigne celle de l’Ancien Testament, la Loi de Moïse. Ailleurs, le même mot peut se rapporter à la loi civile, celle de Rome. Une traduction qui se veut compréhensible doit faire sentir la différence entre ces différents emplois.
Il en est de même du mot chair qui, la première fois (au v.3), désigne notre propre nature pécheresse ; quelques mots plus loin, lorsqu’il est question de la chair dans laquelle Dieu a envoyé JESUS, il s’agit de la nature humaine (sans qu’il soit question de péché). Au v.4, Paul revient au premier sens du terme. Ailleurs, ce même mot grec (sarx) a des sens encore différents, comme nous l’avons vu au chapitre 4.
Rendre ces différents sens par le même mot français, c’est induire le lecteur en erreur, car la plupart de ces sens ne correspondent pas à ceux qu’indiquent les dictionnaires français. Une traduction à équivalence fonctionnelle peut rendre ces mots par des termes ou des expressions variables suivant le sens qu’ils ont dans le contexte.
Ainsi, le passage cité plus haut dans #Ro 8.2-4 se lit dans la BS : « La loi de l’Esprit qui nous donne la vie dans l’union avec JESUS-Christ m’a libéré de la loi du péché et de la mort. Car ce que la Loi était incapable de faire, parce que notre propre nature la rendait impuissante, Dieu l’a fait : il a envoyé son Fils avec une nature semblable à celle des hommes pécheurs et il l’a offert en sacrifice pour le péché, condamnant ainsi le péché qui est dans la nature humaine. Il l’a fait pour que la juste exigence de la Loi soit pleinement satisfaite en nous qui vivons, non plus selon notre propre nature, mais selon l’Esprit ». Lorsque le mot loi se rapporte à celle de Moïse, il s’écrit toujours avec majuscule, de plus, chaque fois que le mot loi apparaît, un astérisque renvoie au Lexique où les différents sens sont expliqués. Il serait encore préférable, chaque fois qu’il s’agit de la Loi de l’Ancien Testament, d’ajouter de Moïse, quitte à mettre ces mots entre parenthèses (car l’un des principes de la traduction à équivalence fonctionnelle dit qu’à cause de la lecture publique, il ne faut pas distinguer des mots uniquement par la marque d’une majuscule).
Ce ne sont là que quelques exemples de l’attention que le traducteur doit constamment porter au contexte pour décider si le mot français qui traduit habituellement le terme original convient au sens de ce terme dans ce contexte-là.
Le problème se complique encore lorsque, pour deux mots grecs différents, le traducteur emploie un même mot français qui a, ailleurs, un sens différent. C’est le cas du mot justification. Dans #Ro 4.25, Segond traduit Le problème se complique encore lorsque, pour deux mots grecs différents, le traducteur emploie un même mot français qui a, ailleurs, un sens différent. C’est le cas du mot justification. Dans #Ro 4.25, Segond traduit correctement : « Christ est ressuscité pour notre justification (dikaiôsis) », mais dans #2Co 7.11, l’apôtre utilise un autre mot (apologia) que Segond traduit aussi par justification (« Quelle justification votre tristesse n’a- t-elle pas produit »). Cette justification n’a rien à voir avec celle que produit la repentance devant Dieu, c’est la tristesse d’avoir peiné l’apôtre ; elle s’est manifestée par un empressement auprès de lui. « Voyez quelles excuses vous avez présentées » (BS).