Burkina Faso : possibles complicités dans l’armée dans les attaques de Ouagadougou
L’enquête sur la double attaque survenue vendredi dans la capitale burkinabée progresse et un djihadiste supposé est entendu par la justice. Un procureur et quatre enquêteurs français sont attendus dimanche à Ouagadougou.
L’enquête sur la double attaque de Ouagadougou progressait dimanche 4 mars : un djihadiste supposé soupçonné d’avoir joué un rôle clé était entendu par la justice du Burkina Faso, qui soupçonne des complicités dans l’armée.
L’homme, dont la nationalité n’a pas été révélée, a été arrêté vendredi dans les heures qui ont suivi les attaques coordonnées contre l’état-major des armées burkinabé et l’ambassade de France à Ouagadougou, a déclaré à l’AFP une source gouvernementale. Cet homme est soupçonné d’avoir participé à l’attaque de l’état-major général, en plein centre de Ouagadougou, et pourrait même être « un cerveau » de l’opération.
Les attaques ont fait sept morts parmi les forces de sécurité, selon un dernier bilan, et ont été revendiquées samedi soir par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaida, disant agir en représailles à une opération militaire française antidjihadiste au Mali. Le GSIM est une organisation djihadiste regroupant depuis tout juste un an plusieurs entités du Sahel liées à Al-Qaida. Le nouveau groupe est dirigé par le Touareg malien Iyad Ag-Ghali, chef d’Ansar Eddine.
D’autres assaillants « djihadistes ont peut-être pu s’enfuir » après l’attaque de l’état-major, situé dans le quartier très fréquenté du grand marché de Ouagadougou, selon la source gouvernementale. Un procureur et quatre enquêteurs français étaient aussi attendus dimanche à Ouagadougou pour participer à l’enquête sur la double attaque de vendredi, selon cette source.
« Des infiltrés dans l’armée »
Les autorités ont de « très forts soupçons » qu’il y ait « des infiltrés dans l’armée » qui ont renseigné les djihadistes pour l’attaque de l’état-major, a ajouté la source burkinabée. En effet, l’explosion de la voiture piégée qui a précédé l’assaut a totalement détruit une salle de réunion située en façade du bâtiment, où devait se tenir une réunion de l’état-major de la force antidjihadiste du G5 Sahel. La réunion avait été changée de salle au dernier moment, évitant un carnage.
« Ils avaient une connaissance des habitudes et pratiques courantes au sein de l’état-major, ce qui explique la facilité avec laquelle ils ont accédé au sein de l’état-major par son accès de service, situé au dos de l’entrée principale », avait expliqué samedi une autre source gouvernementale.
Les enquêteurs se demandent si l’attaque contre l’ambassade de France n’était pas une « diversion » avant l’attaque contre l’état-major. Sise dans la zone des ambassades, l’ambassade de France est très bien protégée. La tentative s’est d’ailleurs soldée par la mort des quatre djihadistes qui n’ont pas pu pénétrer dans l’enceinte diplomatique, a aussi expliqué la source gouvernementale.
Toutefois, dans sa revendication, le GSIM dit avoir agi « en réponse à la mort de plusieurs de ses dirigeants dans un raid de l’armée française dans le nord du Mali il y a deux semaines ».
Le dernier bilan des attaques de vendredi fait état de sept morts parmi les forces de l’ordre burkinabées et de plus de quatre-vingts blessés, ainsi que de neuf djihadistes tués, selon la première source gouvernementale. Le Burkina Faso est depuis 2015 la cible d’attaques djihadistes, qui ont déjà frappé sa capitale, sans jamais toutefois atteindre un tel niveau d’organisation.
Deux nouveaux incidents armés
L’activité reprenait normalement dimanche dans la capitale, mais, signe de l’extrême tension qui persiste, deux incidents armés se sont produits, dont l’un a fait un mort. Vers 2 heures du matin (3 heures, heure de Paris GMT), une voiture avec trois hommes à bord a tenté sans succès de forcer un barrage dans la zone de la présidence, en périphérie de Ouagadougou, selon une deuxième source gouvernementale.
Deux hommes ont réussi à s’enfuir, le troisième a été arrêté par des membres de la sécurité présidentielle qui tenaient le barrage, à environ 1,5 kilomètre du palais présidentiel. L’homme arrêté a été abattu deux heures plus tard après avoir tenté de s’emparer de l’arme d’un de ses gardiens, selon cette même source. Les forces de l’ordre ratissaient la zone dimanche. Cet incident est apparemment sans lien avec l’attaque djihadiste, selon une source sécuritaire, car les hommes n’avaient pas d’arme.
Autre incident dimanche matin, des soldats ont procédé à des tirs de sommation contre des passants qui voulaient franchir une barrière dans la zone de l’état-major, toujours totalement circonscrite.
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